Financement du bien de rendement
Retranscription de l’interview
Pourquoi faire cette distinction entre financement hypothécaire pour les biens d’investissements, et les biens immobiliers à usages propres ?
Car les règles d’octroi de financement immobilier sont différentes entre l’achat d’un immeuble de rendement, et celui d’un bien immobilier pour votre propre logement principal. Cette différence est d’ autant plus marquée depuis l’entrée en vigueur au 1 janvier 2020 de l’autorégulation modifiée de l’Association suisse des banquiers. La FINMA, qui est l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, a d’ailleurs reconnu ces nouvelles règles comme standard minimal.
Pouvez-vous faire une petite piqûre de rappel pour nos auditeurs? Quels sont les conditions d’octroi d’un crédit hypothécaire pour un bien immobilier à usage propre? C’est-à-dire son logement principal.
Vous devez constituer au minimum 20% de fonds propres, dont au maximum la moitié peut provenir de votre deuxième pilier. Le montant de la dette hypothécaire devra redescendre aux deux tiers de la valeur vénale de l’immeuble, au plus tard sur une période de 15 ans. En complément des fonds propres, vous devrez encore ajouter les frais d’acquisitions. Ils diffèrent d’un canton à un autre, mais ils sont de l’ordre de 3% sur Valais et 5% sur Vaud.
Si l’on revient au sujet du jour, quels sont donc les différences pour les personnes qui souhaitent acheter un immeuble de rendement?
Commençons avec les fonds propres. Le preneur de crédit devra dès à présent apporter au moins un quart de la valeur du bien immobilier. Le minimum demandé auparavant était inférieur.
De plus, le principe de la valeur minimale continue de s’appliquer. Concrètement, cela signifie qu’une éventuelle différence entre un prix d’achat plus élevé et une valeur de nantissement plus basse doit entièrement être financée par les fonds propres.
Je vous donne un exemple. Si vous souhaitez acheter un bien de rendement à 1’000’000 CHF, vous devrez donc mettre 25% de fonds propres dorénavant, soit 250’000 CHF. S’il s’avère que le bien immobilier que vous convoitez est surévalué, et qu’il ne vaut en réalité que 900’000 CHF, alors c’est la valeur le plus basse qui sera retenue. Vous devrez donc mettre le 25% de 900’000 CHF, ainsi que la différence de 100’000 CHF. Cela ferait donc 325’000 CHF au lieu de 250’000 CHF.
Vous dites que le minimum de fonds propre à mettre est de 25%. C’est donc un minimum… Qu’en est-il dans la pratique ? Est-ce que cela signifie que certaines banques demandent encore plus que 25% de fonds propres?
Effectivement, c’est une question pertinente… 25%, c’est le minimum demandé, mais dans la pratique, les établissements de financement exigent parfois 30%, voir 35% de fonds propres. Cela dépend vraiment de la politique de la banque.
Quels sont les autres changements de cette autorégulation modifiée pour les biens immobiliers d’investissement ?
Le deuxième changement significatif concerne la dette hypothécaire. Elle doit désormais être amortie d’un tiers de la valeur de nantissement au plus tard dans les 10 ans. L’ancien délai était de 15 ans.
Ces nouvelles règles concernent uniquement le financement des immeubles de rendement. Dans le cas d’un appartement ou une maison qu’on achète dans le but de mettre à la location, est-ce que ça rentre aussi dans ce cas de figure ?
Ca ne rentre pas explicitement dans cette nouvelle autorégulation remaniée. Cela dit, la FINMA est d’avis que ce segment doit lui aussi être traité de la même manière, en raison de ses risques potentiels. Elle recommande donc aux banques d’appliquer de manière volontaire, ces nouvelles exigences en termes de fonds propres et d’amortissements. A ma connaissance, toutes les banques suivent aussi ces directives pour des appartements en PPE, ou des maisons individuelles.
Quel est le but de ces nouvelles règles ?
Le but principal est de limiter la surchauffe dans le domaine de l’investissement immobilier. Cela dit, pour beaucoup de professionnels du milieu, l’application de ces nouvelles règles n’aurait qu’un effet assez limité. En effet, dans la pratique, environ les trois quarts des investissements immobiliers sont fait par de gros investisseurs. Par exemple, les caisses de pensions, les institutionnels ou les sociétés immobilières. Le problème, c’est que celles-ci n’ont pas forcement besoin d’emprunt hypothécaire pour acheter. Si c’est le cas, les fonds propres qu’ils mettaient étaient déjà à hauteur de 35%, voir plus. Donc concrètement, cela n’a pas vraiment d’effet sur les gros acteurs de l’immobilier. C’est malheureusement comme bien souvent les petits investisseurs qui paient la note. Ceux qui voulaient acheter un bien immobilier comme un placement financier, et qui ne peuvent plus à cause de ces nouvelles exigences.
Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur au 1 janvier 2020. Qu’en est-il si quelqu’un a acheté un bien immobilier juste avant cette date ?
Normalement, cela n’a pas d’effet, et les conditions restent les mêmes que celles que vous aviez défini.
Les fonds-propres exigés sont donc plus important lorsqu’il s’agit d’un immeuble de rendement. Est-il possible de les constituer avec son deuxième pilier par exemple ?
Non, l’utilisation du deuxième pilier est possible uniquement pour l’acquisition de votre logement principal. En aucun cas, cela peut être utilisé pour un achat immobilier d’un bien de rendement. Cela était déjà en vigueur auparavant, même avant l’application de cette nouvelle réglementation.
La tenue des charges théorique est aussi importante lorsque l’on souhaite obtenir un crédit hypothécaire. Qu’en est-il avec cette nouvelle réglementation. Est-ce qu’elle a changée ?
Non, l’autorégulation modifiée n’a pas changé les règles de la tenue des charges théoriques. Il faudrait toujours que l’immeuble soit autoporteur, et si ce n’est pas le cas, que le client puisse assumer financièrement la différence.
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Interview réalisée par Radio Chablais, en compagnie de:
Rabl Pascal
Directeur chez Blue Immobilier SA